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18/06/2009 Séminaire : De Brueghel à Monet, une encyclopédie de la neige
Evénement proposé pour le réseau par M. Tabeaud, M. de la Soudière A. Vasak, E. Katz
  • Date : 18/06/2009
  • Lieu : 105, bd Raspail, salle 10, 3e étage
Description complète :
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Intervenant : Madeleine Pinault-Sorensen (Louvre)


Compte-rendu
« Petite encyclopédie de la neige en peinture
Madeleine Pinault-Sorensen
La neige dans la peinture européenne

M Pinault-Sorensen suit un parcours chronologique, abondamment illustré, du Moyen Age au 19e siècle.

Dans les enluminures du Moyen Age, la neige est associée aux mois de janvier et février. On la retrouve dans les Très riches heures du duc de Berry (1402), les grandes Heures d’Anne de Bretagne (1503-1508), dans le Bréviaire de Grimaldi. La froidure de l’hiver avec son manteau neigeux à l’extérieur s’oppose à la chaleur de l’intérieur de la maison autour du feu. Il existe peu de représentations des chutes de neige à l’exception d’un dessin de Botticelli qui devait illustrer La divine Comédie de Dante, et où l’on voit la neige sous forme de gros flocons.

A la Renaissance aux 15 et 16e siècles, la neige figure dans les tableaux dans les arrière-plans des portraits, sous forme de montagnes enneigées, (La Joconde de Vinci, portraits de Charles d’Amboise de Solario par ex.). C’est dans les pays du nord, que la neige est omniprésente sur les toiles. Les peintures célèbres de Breughel (les Patineurs, les Chasseurs, l’Adoration des mages, le Dénombrement de Bethléem) se situent en plein cœur de l’hiver puisque le manteau neigeux enveloppe le paysage, l’eau des lacs, des canaux, des cours d’eau est gelée. Si bien des activités représentées témoignent des comportements des habitants des bas pays septentrionaux (ramasser la neige, conserver les poissons dans la glace, casser la glace pour avoir de l’eau, … et bien sûr patiner), les paysages présentent des invraisemblances (les saules ont gardé leurs feuilles, l’arrière plan montagneux n’est guère flamand !). Mais la neige peut être interprétée comme une métaphore de la précarité de la vie (oiseaux sur les branches) et de ses embûches (la glace peut se briser). L’Adoration des mages est une vision assez réaliste, dans laquelle la scène elle-même est traitée comme un détail sur la gauche, tandis que la vie continue (enfant sur la luge) ; de même, le Dénombrement de Bethléem se caractérise par une recherche d’atmosphère (métiers, enfants, oiseaux, chemin…).

Ce goût pour les paysages de neige se maintient dans les pays nordiques au long du 17 e siècle avec Van Ostade, Jan Asseljin, J Ruysdael. Mais en Italie, la neige disparaît, sauf chez Le Lorrain, établi à Turin, qui peint lui aussi quelques scènes avec arrière-plan de montagnes enneigées.

Mais en 1660 l’Académie royale de peinture édicte la « belle nature » et l’application de ce principe normatif va raréfier les peintures de paysages sous la neige, jusqu’au milieu du 19e siècle, même chez les Français qui travaillent en Russie, comme JB Le Prince. Au 18e siècle, N Lancret pour l’hiver imagine tout au plus une scène de patinage (Cabinet de la Reine, 1738). Pas de représentation de la neige à quelques exceptions près comme Goya, qui pour la salle à manger du Prado imagine un groupe de trois personnes cheminant dans le vent et la neige (1788) ou Loutherbourg, mais ses Patineurs sont en fait une scène de civilité.

En Suisse cependant, des gravures, comme celles de Caspar Wolf, montrent des voyageurs dans des montagnes à cascades, glaciers, et neige (le Schildwaldbach). De mêmes des aquarelles anglaises (W. Pars) représentent les glaciers du Rhone, tandis que Cozens joue de la confusion nuage/neige dès 1770-1775. Le goût du sublime et de la catastrophe de l’époque (fin 18e début 19e siècle) s’exprime dans l’Avalanche de Loutherbourg, même si celle-ci est comme arrêtée par les rochers, et surtout dans l’aquarelle de Turner (1829, Mont Tarare, 22 janvier) représentant l’accident d’une diligence dans la neige et la nuit en montagne. Avec les voyages progressivement la peinture abandonne peu à peu les diktats de l’Académie royale et des peintres comme F Fosci (peintre italien spécialiste des paysages de neige avec personnages animés), Van Loo (séries de paysages de neige), Daguerre et ses ruines médiévales (Effet de colonnade gothique, 1825-26) vont multiplier les paysages enneigés même si la postérité les a moins retenus que ceux de Friedrich qui aime associer les églises, la mort et le sentiment religieux (Cimetière sous la neige, etc.). Mais la neige est aussi volontiers liée à des faits réels (Tamise prise par les glaces en 1789, Retraite de Russie, Bonaparte franchissant les Alpes de David, Louis XVI distribuant ses bienfaits aux pauvres de Hersant).

Les impressionnistes feront de la lumière réfléchie sur le manteau neigeux un sujet important dans de nombreuses toiles dont les plus connues sont incontestablement La Seine à Bougival et la Pie de Monet. Avec eux, la neige n’est plus blanche ou grise, elle prend toutes les couleurs de la palette selon les heures…

 
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