Compte-rendus de lecture
30/11/-0001 Compte-rendu de lecture de : L’attrait de la pluie
Evénement proposé pour le réseau par Anouchka Vasak
  • Auteur : Corinne Maury
  • Date de parution : 23/11/2013
Description complète :

Corinne Maury, L’attrait de la pluie, éditions Yellow Now, 2013.

Corinne Maury fait paraître chez l’éditeur Yellow Now, dans la collection « L’attrait de… », consacrée au cinéma, un petit ouvrage profond et subtilement illustré sur le goût, l’usage et les fonctions de la pluie au cinéma. La pluie n’est pas le seul météore de la collection, puisque Dominique Païni avait publié L’attrait des nuages en 2011. Ici, la pluie est considérée aussi bien comme aléa du tournage que comme « élément scénaristique », l’un et l’autre pouvant être liés : c’est ainsi que Jean Renoir a intégré dans son scénario la pluie persistante qui perturba le tournage d’une Partie de campagne (1936). « Je crois, écrira-t-il, que sans la pluie, la fin du film n’aurait pas un certain côté tragique, qui, finalement est devenu l’essence du film ».

Après une introduction sur les « trajectoires liquides » qui pose son propos (« dépasser le seul constat climatologique » et « questionner des images de pluie » au-delà des clichés), Corinne Maury organise son essai en sept chapitres. Les trois premiers sont de brèves monographies consacrées chacune à un cinéaste « pluviophile » : Béla Tarr, Tarkovski, Kurosawa. Les chapitres suivants font jouer ensemble, dans une perspective comparatiste, des réalisateurs rassemblés par le rôle que joue la pluie dans leurs films, soit pour distinguer une œuvre d’une autre, soit pour les rapprocher : « pluies-solitudes » pour Antonioni et Bresson, « pluie-nature » de Naomi Kawase, « pluie-machine » de la ville moderne et délétère chez Brillante Mendoza, « pluie-maladie », voire cataclysmique chez Tsai Ming Lang. On voit que le choix des réalisateurs dépasse de beaucoup l’attendu (le Singing in the rain de Stanley Donen et Gene Kelly, Les Parapluies de Cherbourg de Demy, mais aussi Remorques de Grémillon ou La Pluie de Joris Ivens) : il s’inscrit dans le refus du cliché de la pluie au cinéma, cliché moqué par Hitchcock qui pensait, il est vrai, aux films à suspense, spécialement français, semble-t-il... Le propos s’achève par une évocation du cinéma expérimental vidéographique.

De bout en bout, tendu par une écriture qui sait jouer des métaphores ou expressions audacieuses, l’essai de Corinne Maury éclaire le sens profond de la présence de ce météore a priori antithétique de la lumière cinématographique, mais propre à imprimer un rythme au récit : intérieure, métaphysique ou mystique, la pluie est tantôt un élément dynamique du scénario (Ivens), tantôt un moyen de suspendre la narration (Le Cri d’Antonioni). La pluie au cinéma nous invite à renouveler notre regard sur le monde : elle « rend flou », écrit joliment l’auteur.

Anouchka Vasak
Maître de conférences en littérature française

 
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