Compte-rendus de lecture
04/05/2009 Compte-rendu de lecture de : Le moment Hulot : un candidat jamais candidat
Evénement proposé pour le réseau par Martine Tabeaud
  • Auteur : Malik Larabi et Xavier Marc
  • Date de parution : 13/02/2008
Description complète :

Malik Larabi et Xavier Marc
Le moment Hulot : un candidat jamais candidat, 2008, Armand Colin, 192 p.


Le non-candidat ou le triomphe des médias en politique

Classé parmi les personnalités publiques préférées des Français dans les sondages (après Z. Zidane et Y. Noah) Nicolas Hulot aurait eu jusqu’à 15% des intentions de vote à l’élection présidentielle de 2007. Ce score, somme toute comparable à celui de Coluche en 1981, semble avoir justifié l’enquête des deux auteurs : M. Larabi, directeur dans un institut de sondage et X. Marc analyste en marketing stratégique dans une grande entreprise.

Le livre développe dans une première partie l’avant campagne, période de construction de l’image Nicolas Hulot et d’un réseau grâce à la télévision.

N. Hulot, anime à partir de 1987 « Ushuaia, le magazine de l’extrême », émission d’aventure, de nature et surtout de défis sportifs. Le succès aidant, la chaîne lui confie une autre émission « Opération Okavango », qui consiste à faire découvrir aux téléspectateurs un continent par an. Son coût exorbitant la limite à deux années ! Mais, d’aventure en aventure sur le terrain, N. Hulot observe des changements et souhaite éduquer les jeunes au respect de la nature. Il crée donc une fondation qui distribue des bourses, édite des livrets à caractère éducatif, un « journal », organise des campagnes à slogan avec spots télévisés, crée des clubs pour « fournir un cadre à l’action », communique par un site Internet et par un Cyberjournal. N. Hulot devient un militant qui va s’entourer de personnalités pour asseoir sa crédibilité (T. Monod, P.E. Victor, Y. Coppens, J.L. Chrétien, .J. Weber), puis d’un comité « d’experts » pour faire le point sur les principaux thèmes d’actualité (eau, ville, biodiversité, développement durable). Des millions de spectateurs vont croire à la personnalité patiemment fabriquée : un écologiste convaincu, pragmatique, qui s’adresse à tous, sans verbiage, un homme de terrain -citoyen du monde ému par la beauté de la Terre.

Son discours trans-partisan, a-conflictuel, universel, consensuel (cf Le Pacte écologique : « cause commune », « au delà des clivages politiques » pour la « défense de l’humanité menacée ») va faciliter l’adhésion à son projet. Un réseau de bailleurs de fonds (TF1, EDF, Loréal, Ibis), d’experts, de politiques se constitue. En 2002 N. Hulot est au coté de J. Chirac à Johannesbourg. Petit à petit, ses entrées politiques en font une personnalité incontournable. Il est, par exemple, le seul « non scientifique » de la mission de la commission européenne sur l’environnement.

La deuxième partie du livre revient sur la vraie-fausse campagne électorale pour montrer comment les coups médiatiques vont orchestrer le débat politique .

N. Hulot a appris à utiliser la conjoncture. C’est en pleine période de congés, dans la presse (Journal du Dimanche du 30/07/2006), qu’il annonce ne pas exclure « d’être candidat » pour convaincre les politiques du péril climatique qui menace l’humanité. L’effet de surprise oblige les partis à se situer sur le sujet et toute la presse ne parle plus que de N. Hulot. A l’automne, la conjoncture lui donne un coup de pouce. Sortent le rapport N. Stern et le film de D. Guggenheim sur Al Gore que la fondation montre en pré projection avant la sortie en salle, enfin le prix Nobel de la paix est attribué au GIEC et Al Gore.

N. Hulot en profite pour être présent en permanence sur les écrans, dans les radios où il interpelle les politiques. Il envoie d’abord une lettre au président de la République. Puis, il contraint tous les états-majors à rencontrer son équipe de campagne car il est soutenu par les 550 000 signataires du pacte écologique… Enfin, coup de théâtre, il décide de renoncer, non sans avoir contraint les autres candidats à plus ou moins adopter son pacte (en grande partie ou en totalité pour S. Royal N. Sarkozy, D. Voynet, F. Bayrou, M.G. Buffet). Tout se termine devant les télévisions, au Zénith, le 1 avril 2007, par un grand meeting et un « rassemblement festif » au pied de la Tour Eiffel !

Le feuilleton rebondit après les élections avec le pacte législatif et surtout le Grenelle de l’environnement. Bien que N. Hulot ne soit présent qu’à la table ronde finale, sa fondation est représentée dans tous les groupes de travail. Aux six groupes de réflexion correspondent les six mesures prônées par sa fondation : réduire les émissions de gaz à effet de serre, changer notre modèle de consommation, réorganiser les subventions vers l’agriculture de qualité, prendre en compte la nature dans l’aménagement, intégrer l’environnement au fonctionnement des entreprises et des institutions, éduquer à l’écologie et au développement durable.

La conclusion finale est discutable : le pouvoir de vigie serait la vraie rupture de la campagne électorale de l’élection 2007. Au total, le livre est très facile à lire, le propos est précisément argumenté mais très factuel. C’est la « manière Hulot » qui est étudiée. Malheureusement, les auteurs ne discutent pas des mots et des idées. Rien sur les rapports Homme/Nature, rien sur les substitutions de mots comme par exemple : écologie/environnement, humanité/sociétés, pacte/programme, etc. Les concepts-valises de développement durable, d’empreinte écologique, voire de plafond photosynthétique, ont encore de beaux jours devant eux !

 
page mise à jour le 18/02/2008 - © 2004-2011 Réseau perception du climat - tous droits réservés